Cette troisième séance du séminaire sur « les acteurs et les actions en santé au travail » a adopté une approche organisationnelle, qui est davantage cette de l’économie ou de la gestion et qui vise à s’intéresser plus directement à ce qui influence le travail et son organisation. Les entreprises, les salariés eux-mêmes mais aussi le contexte économique global, avec notamment la crise économique, impactent le travail. Comment la crise aggrave ou révèle les risques professionnels ?

La présentation de Damien Sauze, maître de conférences en économie à l’Université de Lyon 2 et chercheur au laboratoire Triangle, s’est appuyée sur l’article « L’exposition des travailleurs aux risques psychosociaux a-t-elle augmenté pendant la crise économique de 2008 ? », coécrit avec Roméo Fontaine et Pascale Lengagne et publié dans la revue Économie et Statistique, n° 486-487 en 2016.

La présentation s’est déroulée en trois temps. La première partie a présenté l’évolution des expositions aux risques psychosociaux (RPS) des salariés en emploi dans le secteur privé entre 2006 et 2010, à partir d’une analyse exploitant l’enquête Santé et Itinéraire professionnel (SIP). Les 6 dimensions des RPS mises en avant par le collège d’expertise dirigé par Gollac ont été étudiées. Les résultats concluent à une augmentation de l’exposition aux RPS, hormis le fait de déclarer craindre de perdre son emploi, et cela malgré le contexte de crise. Cela pourrait être expliqué par un biais de sélection en 2010 : les salariés les plus exposés à ce risque ne sont peut-être plus en emploi en 2010. Il importe alors d’étudier les caractéristiques des salariés exposés aux RPS. C’est ce qu’a cherché à faire la deuxième partie, qui présente alors les caractéristiques des salariés les plus exposés aux RPS. En partant de l’hypothèse que le rôle de la crise peut être indirect et qu’il pourrait être saisi par des variables rendant compte de l’hétérogénéité des salariés selon les secteurs, la dernière partie s’est attachée à étudier le lien entre la mobilité des salariés et l’exposition aux RPS. La présentation s’est alors terminée par une discussion sur ce que pourraient être les conditions pour qu’une mobilité soit protectrice.

La discussion a été introduite par Thomas Amossé, sociologue et statisticien, chercheur au Cnam-Lise, CEET et par Jean-Claude Sardas, professeur à Mines-Paris Tech et chercheur en sciences de gestion au Centre de Gestion Scientifique.

Thomas Amossé a introduit la discussion par une réflexion critique sur la notion de « RPS », en soulignant à la fois la complexité et la fragilité de la notion. Il a ensuite posé plusieurs questions relatives aux différents biais pouvant apparaître dans l’analyse : biais lié à la sortie de l’emploi des plus âgés, absence de prise en compte de ceux qui ont perdu leur emploi, difficulté à identifier la situation des personnes ayant connu une mobilité externe subie. Une dernière question a porté sur des pistes de réflexion sur le lien entre l’exposition aux RPS et l’ancienneté des salariés.

Jean-Claude Sardas a commencé sa discussion en mentionnant deux « recherches interventions » menées sur l’accompagnement des mobilités contraintes et la gestion des mobilités internes dans l’automobile. Il a ensuite discuté du terme « exposition » aux RPS, qui selon lui doit être utilisé de manière prudente et devrait davantage laisser sa place à « l’exposition aux facteurs » de risques. Il a interrogé le choix de regrouper les réponses « parfois » avec les « souvent » et « toujours », ce qui conduit sans doute à la conclusion d’une aggravation des expositions, contrairement à ce que l’on trouve dans les publications de la Dares. Enfin, en s’appuyant sur les recherches interventions citées, il a pointé l’importance de la prise en compte de l’accompagnement des mobilités, qui peut être en cause davantage que la mobilité en elle-même.